LA GALERIE DES CARROSSES


















Conçus pour frapper les esprits, les carrosses de Versailles sont des chefs-d'oeuvre d'art total.
D'un luxe ostentatoire, ornés à profusion d'ors et de sculptures, ils ont été réalisés par les meilleurs artistes de la cour.
Au-delà de sa qualité artistique, la collection est aussi en quelque sorte un "salon de l'auto des XVIIIe et XIXe siècles" présentant les plus beaux prototypes et les dernières avancées de la carrosserie française en matière de confort, de performances et de technique.

Chaque carrosse raconte également une page de l'Histoire de France à travers un événement dynastique ou politique : baptême, mariage, sacre, funérailles.
Surtout, la collection constitue le témoignage le plus vivant de la vie de cour et des fastes sous l'Ancien Régime, l'Empire et la Restauration

(c) RMN Château de versailles

Arrivée du carrosse du roi devant l'escalier des ambassadeurs à Versailles vers 1725

 


 Designed to be noticed, the carriages of Versailles  are artistic masterpieces.
Ostentatiously luxurious and extravagantly decorated with gold and sculpted detail, they were produced by the best artists of the French Court, including architects, carpenters, sculptors, bronze workers, chasers, gilders, upholsterers, embroiderers and trimmings suppliers.

Besides its artistic quality, the collection is also a sort of "vehicle exhibition from the 18th and 19th centuries", containing the finest prototypes and cutting-edge advances in Franech coach-making in terms of comfort, level of performance and technique .

In addition, each coach tells a bit of french history through dynastic or political events such as christenings, marriages, coronations or funeral  ceremonies.
Above all else, the collection is a living testimony to life in the French court and sumptuousness during the Ancien Régime, the French Empire and the Restoration











Sous l'ancien régime, les écuries royales sont hébergées dans la Petite et la Grande Ecurie du roi,  batiments jumeaux édifiés par Jules Hardouin-Mansart entre 1679 et 1682 en face du château de Versailles.
Joyau de l'architecture française classique, ces deux batiments sont destinés à abriter les chevaux et les voitures du roi et de la cour et accueillent un millier de personnes parmi lesquelles des écuyers, des cochers, des maréchaux de forge, des charrons, des bourreliers, des médecins, ou encore des musiciens.

A la Révolution, les centaines de voitures qui servent au Roi et à la Cour sont dispersées lors des grandes ventes révolutionnaires, puis réutilisées lors de la guerre de Vendée et pour les besoins du gouvernement révolutionnaire.
En 1837, lorsqu'il transforme le château de Versailles en musée consacré "A toutes les gloires de la France", Louis Philippe assemble une collection de carrosses historiques.




During the ancien régime the royal stables were located in the King's small stables and Great stables, a pair of buildings built opposite the Palace of Versailles by Jules Hardouin-Mansart.
Pearls of classic French architecture, these two constructions were designed to house of the horses and coaches of the King and the Court as well as the thousand or so people who formed the Institution, including horsemen, drivers, blacksmiths, wheelwrights, saddlers, doctors and even musicians.

At the time of the revolution, hundreds of vehicles that once served the King and the Court were sold and dispersed, and then re-used during the war in the Vendée and to serve the needs of the revolutionary government.
In 1837, when Louis Philippe turned the Palace of Versailles into a museum dedicated to "All the glory of France", he re-assembled the collection of historical coaches.





En 1870, après la chute du second empire et la proclamation de la IIIème République, les prestigieuses écuries de Napoléon III sont démantelées, les carrosses remisés ou dispersés en vente publique. Les temps démocratiques récusent le faste et l'ostentation.

Les exigences de représentation imposent cependant à la Présidence de la République de se doter de nouveaux véhicules adaptés aux diverses circonstances officielles : réceptions d'ambassadeurs, visite dans les départements, expositions universelles, voyages officiels de souverains étrangers.
L'état passe alors commande après des plus prestigieux carrossiers parisiens comme la maison Ehrler, Mühlbacher ou Rothschild & Fils.

Une nouvelle production carrossière voit le jour, des voitures sobres jusqu'à l'austérité dans leur aspect exterieur, mais du plus grand luxe dans leurs détails : lignes profilées, mains de ressort ciselés en forme de serpent, roulettes de glace en ivoire, intérieurs capitonnés, éclairage de l'habitacle et suspension, à huit ressorts au confort imparable.







Le 2 avril 1810, moiuns d'un mois après avoir divorcé de l'impératrice Joséphine qui ne peut lui donner d'héritier, Napoléon Ier épouse l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche.
Cet événement donne lieu à trois jours de festivités dont l'éclat doit beaucoup à la somptuosité des cortèges.

Franchissant la barrière de l'Etoile, passant sous la voûte de l'Arc de Triomphe encore inachevé, quarante berlines du plus grand luxe descendent les Champs-Elysées jusqu'au jardin des Tuileries sous les vivats d'une foule en liesse.
La puissance de l'Empereur se mesure, ce jour-là, à la splendeur de ses équipages.

La garde impériale ouvre la marche, suivie des trente-quatre voitures de la cour (dont  la Cornaline et l'Améthyste présentées dans la galerie).
Viennent ensuite la voiture de l'Impératrice qui, selon une ancienne tradition royale, participe vide au cortège, puis celle de l'Empereur attelée à huit chevaux, entourée des maréchaux de l'Empire et des grands écuyers sur de superbes montures.
Enfin les berlines du grand aumônier, des dames d'honneur et de la famille impériale, plus riches et d'une forme encore plus élégantes (cinq sont exposées dans la galerie).




(c) Etienne-Barthélémy Garnier


(c) Etienne-Barthélémy Garnier































































En 1820 le duc de Berry, fils du futur Charles X et seul susceptible de donner un héritier à la dynastie des Bourbons, est assassiné.
La France royaliste est ébranlée. Aussi, la naissance posthume du duc de Bordeaux provoque une immense ferveur populaire et, le 1er mai 1821, Louis XVIII donne au baptême de l'enfant un faste extraordinaire.

Partant de la cour des Tuileries, vingt-sept carrosses longent les quais du Louvre devant les façades pavoisées, puis traversent le pont-Neuf en direction de Notre-dame.
Au centre, la riche berline transporte l'enfant placé sur les genoux de sa gouvernante, auprès de sa soeur ainée Mlle d'Artois.

Cette voiture, la plus riche qui existe alors, est ornée d'une ceinture de bronze ciselé et doré d'une finesse admirable et, à l'intérieur, d'un ciel d'impériale brodé de soie, d'or et de clinquants par les demoiselles de la Légion d'Honneur.
Aux angles, quatre grands aigles rappellent sa réutilisation sous Napoléon III à l'occasion du baptême du Prince impérial, en 1856.












Si la chaise portée existe depuis l'Antiquité, c'est à la fin du XVIème siècle qu'elle réapparait en Europe.
particulière ou locative, elle est le moyen de transport le plus utilisé pour les courts trajets.

Dans les grandes villes encombrées de carrosses, la chaise offre une alternative séduisante : elle est moins coûteuse, plus maniable et tout aussi rapide dans les rues étroites et mal pavées.
Elle est aussi plus commode : portée par deux hommes munis de bricoles de cuir, nul besoin d'harnacher des chevaux ni de préparer l'équipage, et une fois la course terminée, elle se range aisément contre un mur, dans un vestibule ou sur un palier.

A Versailles aussi se côtoient chaises particulières et publiques.
Le service des "chaises bleues", selon la couleur des porteurs à la livrée du roi, propose des courses pour six sols.
La chaise est utilisée à travers les cours, dans les jardins mais aussi à l'intérieur du château.
Toute personne peut pénétrer en chaise bleue jusqu'au pied des escaliers du Roi.
En revanche, elles sont formellement prohibées dans la cour de Marbre, et seules les chaises de la famille royale peuvent gagner l'étage.

(c) Henri-Victor Lesur















Tous les jeunes princes possèdent leur carosse miniature.
louis XIII, à l'age d'un an et demi, en reçoit plusieurs dont un rempli de quatre poupées.
Plus tard, le jeune Louis XIV s'amuse à chasser des canes près du canal des Tuileries dans un petit char attelé à deux chiens barbets.
Puis ce sont les fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette qui reçoivent chacun une petite berline et une petite calèche à la dernière mode, présentées dans la galerie.

Confectionnées dans des matériaux précieux, et réalisées par les plus grands carrossiers, ces voitures d'enfant ne sont pas de simples jouets mais de  véritables réductions des modèles les plus modernes auxquelles ne manque aucune innovation technique.






L'eau (c) Claude Deruet

Lorsque les allées du parc de Versailles sont couvertes de neige et que le Grand Canal est pris par les glaces, le roi et  la cour s'offrent le plaisir de courses de traineaux.
Cette mode importée des cours nordiques est suivie durant les trois règnes de Louis XIV à Louis XVI.




Ces frêles et luxueux véhicules sont tirés par un cheval ferré à crampons, caparaçonné d'un harnais brodé de grelots d'argent dont le joyeux tintement rompt le silence feutré de la neige.
Ils sont menés par les seigneurs de la cour en bonnet et redingote fourrés, assis sur la sellette à l'arrière de la caisse et tenant les guides.
Les dames, en casaquin à la polonaise, se laissent mener et parfois conduisent elles-mêmes, privilège unique en Europe.


Si les courses de traineaux font fureur dès la fin du règne de Louis XIV, l'engouement est encore plus fort sous Louis XV : le roi est un formidable meneur, conduisant son traineau à toute bride.
Partant de la grande terrasse, la joyeuse troupe descend les allées du jardin, contourne le Grand Canal, gagne la ménagerie avant de revenir par Trianon et de terminer par un grand galop sur le Tapis vert en remontant vers le château.


Marie-Antoinette remet au goût du jour les parties de traineaux au souvenir de celles de sa jeunesse à Vienne.
La reine fait alors rechercher dans les dépôts des écuries les anciens traineaux de la cour, dont certains sont ici exposés.
Créatures fantastiques, animaux rares ou légendaires, les traineaux composent un bestiaire étrange et merveilleux.
Ces véhicules de pure fantaisie dependent des Menus Plaisirs, l'institution chargée des fêtes et décors de theâtre.
























































(c) Louis-François Lejeune





Le 29 mai 1825, Charles X est sacré en la cathédrale Notre-Dame de Reims.
Pour cette cérémonie, fondement essentiel de la monarchie de droit divin, il ordonne la construction d'un carrosse d'une richesse extraordinaire.
Après la Révolution et l'Empire, le nouveau roi veut renouer avec les fastes de l'Ancien Régime.


A peine commencée pour Louis XVIII, la construction de ce carrosse avait été abandonnée lorsque le roi, prudent politique, avait renonce à se faire sacrer.
Dès l'avènement de Charles X, le marquis de Vernon, écuyer commandant des écuries, le remet en chantier.
En moins de six mois, il est achevé sous la direction de Daldringen, carrossier virtuose.


Ce carrosse, véritable trône ambulant sert pour le cortège se rendant à la cathédrale où est célébré le sacre.
Il est réutilisé le 6 juin 1825 pour l'entrée de Charles X à Paris, et une dernière fois en 1856, pour le baptême du  Prince impérial, fils de Napoléon III : pour lors, le décor est modifié et les insignes royaux remplacés par les emblèmes impériaux.


Cette voiture est immédiatement reconnue comme le chef-d'oeuvre de la carrosserie française par l'ingéniosité de sa mécanique, la précision de ses assemblages, la richesse des ors et des ornements auxquels concourent tous les arts décoratifs.
"La plus belle de toutes les voitures de couronnement jamais construites", selon l'illustre professeur et dessinateur en voiture Duchesne, et la seule aujourd'hui conservée en France.





















































Charles Abraham Chasselat




Le 16 septembre 1824, après dix ans de règne, Louis XVIII s'éteint.
Les Chambres votent des crédits exceptionnels pour les pompes funèbres dont la magnificence doit rehausser le prestige d'une dynastie contestée.
Le 23 septembre a lieu le cortège des funérailles les plus fastueuses de la monarchie française.


La levée du corps a lieu un peu avant onze heures au palais des Tuileries.
Le char funèbre attend dans la cour.
Les gardes du corps y déposent le cercueil sur le grand manteau royal de velours violet fleurdelisé et le couvrent du drap mortuaire en velours noir bordé d'hermine, croisé de moire d'argent et frappé aux angles des armes royales.
Le départ est annoncé par 101 coups de canon.


Le char s'ébranle au pas, en direction de l'abbaye de saint-Denis, nécropole royale depuis le Moyen Age.
Attelé à huit chevaux caparaçonnés de velours noir brodé de larmes d'argent et ourlé de franges, il crée, selon les témoins, "une impression de majesté et de tristesse".


Le décor est en bois sculpté et doré or blanc : anges-cariatides porteurs de palmes symbolisant l'espérance de la Résurrection, couronne de France soutenue par un bouquet de lys au naturel, génies funèbres renversant une torche, symbole de la mort.


Ce char funèbre est le seul corbillard royal conservé en France ; avant sa redécouverte, ce type de voiture n'était connu que par des descriptions ou par de rares représentations.
Les successeurs de Louis XVIII étant morts en exil, ses funérailles furent les dernières d'un roi de France.